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Les dossiers des enseignants

Cette base de données de la sous-série 1 T (enseignement) a pour but d’énumérer les dossiers individuels des personnels de l’enseignement dans les Basses-Alpes durant le xixe siècle jusque dans les années 1940, grâce aux divers versements faits par l’inspection d’Académie, où ils étaient conservés. On y trouvera, au mieux, les noms (de naissance et de mariage), prénoms, dates et lieux de naissance ainsi que la cote archivistique de chacun des dossiers. Attention, ceux-ci ne sont pas numérisés car la tâche serait immense. Il vous appartiendra de venir en salle de lecture consulter ceux qui vous intéresseront.

C’est durant le premier confinement, lorsqu’il fut difficile voire impossible de maintenir l’activité habituelle du service des Archives, qu’il a été décidé de constituer, entre autres missions, cette base de données. Elle a pour ambition de relever les noms et qualités des dossiers nominatifs du personnel enseignant de l’instruction publique ou de l’éducation nationale. Le contenu des dossiers est inégale : certains semblent très complets tandis que d’autres ont été réduits à quelques feuillets rangés dans une pochette par les anciens archivistes, voire détruits [1]. La période couverte s’étale de 1816 à 1983 mais, en réalité, les dossiers postérieurs à la deuxième guerre mondiale sont rares.

C’est en 1828 que l’instruction publique devient un ministère à part entière, auquel on a rattaché l’administration des cultes (de la Monarchie de Juillet et sous la IIe République puis, entre 1870 et 1895, de manière discontinue) ainsi que l’administration des Beaux-Arts à partir de 1870 jusqu’à la création, en 1959, sous l’égide d’André Malraux, du ministère des Affaires culturelles.

C’est en 1932 que le gouvernement dirigé par édouard Herriot décide de désigner l’instruction publique sous le titre d’éducation nationale, pratique qui s’est imposée jusqu’à nos jours, malgré une courte parenthèse durant les premiers mois du gouvernement de Vichy et la disparition, provisoire, de l’épithète « nationale », en 1974, après l’élection à la présidence de la République de Valéry Giscard d’Estaing.

La base est constituée de 2 839 fiches, représentant, en principe, autant d’hommes et de femmes ayant participé, à des titres variés, à la vie éducative bas-alpine. Ce sont fréquemment des fonctionnaires, mais on compte aussi des vacataires, employés à cause de leurs compétences, de l’école primaire à l’école normale, tel le prêtre aumônier au lycée de Digne, jusqu’au professeur d’agriculture ou au directeur des services agricoles, chargés l’un et l’autre d’instruire les collégiennes ou les futures institutrices dans leur domaine d’exercice.

Les institutrices et instituteurs sont les plus nombreux, ce qui se conçoit aisément, compte tenu de l’enseignement obligatoire qui s’impose progressivement durant le xixe siècle, et de la durée des études, limitée pour la quasi-majorité des enfants à l’âge légal de 6 à 13 ans, alors fixé par la loi du 28 mars 1882, puis passé à 14 ans avec la loi du 9 août 1936, initiée par Jean Zay, et enfin à 16 ans en 1959. Néanmoins, les élèves titulaires du certificat d’études pouvaient quitter l’école dès l’âge de 11 ans.

En plus du corps de l’enseignement primaire, les dossiers concernent les professeurs des collèges, des lycées ou de l’école normale de filles. Parmi eux, les professeurs agrégés sont rares, à la différence des répétitrices et répétiteurs, maîtresses et maîtres auxiliaires ou d’internat, à tous les niveaux d’enseignement. Ces dossiers ne se limitent pas uniquement aux enseignants. Ils intéressent aussi l’encadrement : directeurs, proviseurs et principaux, ou les inspecteurs de l’enseignement primaire des circonscriptions de Sisteron, Castellane, Barcelonnette et de Digne, ou, plus rarement, les inspecteurs d’Académie : Roques (1902), Bruneau (1912-1917), Canet (1926), Descombes (1928-1934), Bellau (1934-1936). Les commis ont aussi leur dossier ainsi que le petit personnel des établissements scolaires : gardiens, concierges…

Ces dossiers présentent d’évidence un intérêt pour l’histoire de l’éducation : personnel, conditions matérielles d’exercice, cours – grâce aux rapports d’inspection notamment… mais aussi pour l’histoire politique, culturelle et sociale. L’instituteur n’a pas toujours une position de neutralité dans le débat politique, qu’il soit local ou national, et certains habitants ou hommes politiques se plaignent des partis-pris de certains d’entre eux. La question religieuse agite, particulièrement en la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, certaines communautés où l’instituteur est parfois partie prenante [2]. C’est le cas des époux Nury, qui, à Montagnac en 1905, font face à une cabale menée par des habitants que l’instituteur et l’inspecteur désignent comme « réactionnaires », mais qui sont soutenus par une partie de la population et par leur hiérarchie ; Louis André Aymes vit une expérience similaire où se mêlent politique et religion à Mane en 1909 ; Louis Paul est quant à lui déplacé pour avoir prononcé un discours anticlérical sur la tombe d’un ami enterré civilement [3]. Des enseignants sont même révoqués ou mis à la retraite d’office à cause de leurs opinions politiques, par exemple lors du coup d’état de 1851 [4], ou de leur attitude durant la seconde guerre mondiale. Les comportements et les affaires de mœurs en sont aussi une cause : combien le sont à cause de leur immoralité ou de leur conduite indigne ? La hiérarchie surveille aussi la vertu des jeunes institutrices, en particulier leurs fréquentations masculines lorsqu’elles ne sont pas mariées [5]. Les sévices envers les enfants sont aussi une cause de révocation. La révocation est la peine la plus grave ; d’autres infractions conduisent à un avertissement, une suspension, un blâme ou un déplacement…

Enfin, des dossiers méritent une attention particulière, ceux des femmes et hommes célèbres du département des Basses-Alpes où ils ont enseigné, tels que le dossier d’Isidore Blanc, l’un des promoteurs de la mise en valeur des gorges du Verdon et mort d’un accident de bicyclette, ou celui de l’écrivaine Marie Borrély [6]. Ceux qui s’intéressent à la première guerre mondiale découvriront les dossiers des instituteurs « morts pour la France » [7]. Enfin, pour l’anecdote, Anne Suzanne Clavel aurait été, en son temps, doyenne des institutrices de France, avec une activité s’étalant de 1816 à 1879, soit 54 ans 7 mois et 20 jours [8].



[1] Sur certains dossiers, est notée la mention « à conserver », d’où la possibilité de destruction (ou de cette intention).

[2] AD AHP, 1 T 335, dossier de Prosper Léon Jourdan qui contient le texte d’une chanson politique chantée par lui en français et en provençal.

[3] AD AHP, 1 T 400, dossiers de Joseph Ernest Marie Nury et de Jeanne Marie Anne Peyron épouse Nury ; 1 T 342, dossier de Louis Paul.

[4] Une plaque posée à l’école supérieure de professorat et de l’éducation (ESPé) de Digne-les-Bains porte les noms de 18 instituteurs bas-alpins condamnés pour leur participation au soulèvement contre le coup d’état du 2 décembre 1851.

[5] Telle cette jeune institutrice qui passe une nuit par semaine à l’hôtel avec un notaire et qui doit demander un « congé illimité » en 1879 et cette autre pour laquelle court, avec sa sœur, une chanson relative à sa supposée « légèreté ».

[6] AD AHP, 1 T 316, dossier d’Isidore Bernard Blanc ; 1 T 361, dossier de Maria Rose Mélanie Borrély.

[7] À l’ ESPé, le monument aux morts aux instituteurs bas-alpins portent 20 noms plus neuf « élèves maîtres à l’école normale » des Basses-Alpes à Avignon.

[8] AD AHP, 1 T 323, dossier d’Anne Suzanne Clavel.